La force tranquille
Le temps d’une rencontre, parlez politique, communication et opinions, administrations, entreprises, mentors, féminisme, écologie, passions. Ajoutez une parole enthousiaste, une concentration manifeste et un esprit bien construit. Voici Marie Le Vern. Elle en dit beaucoup, où tout paraît essentiel
Par Louis Anergie
Marie Le Vern dirige la communication, les relations institutionnelles et la RSE de Sogaris, leader de l’immobilier logistique urbain. Un poste à enjeux tant les mutations du secteur sont nombreuses, où, entre camions d’hier et mobilités de demain, plateformes et points relais, approvisionnement de millions d’habitants et commerces de proximité, elle s’est fixé l’objectif « d’accompagner les villes dans la constitution d’un réseau immobilier permettant d’organiser mieux les flux de marchandises ». Elle est heureuse dans cette vie et elle dit son bonheur de travailler auprès de Jonathan Sebbane, avec qui elle échange beaucoup : « Il me laisse une grande liberté d’action dans une confiance réciproque. »
Chez Sogaris, on est en lien direct avec les sujets du Grand Paris. Dès sa prise de fonction, il y a deux ans et demi, la nouvelle directrice rejoint les Acteurs du Grand Paris. Une évidence pour celle qui, par expérience et par culture, sait l’importance de s’imprégner d’un territoire et de partager avec ceux qui le font vivre. « Le Grand Paris est un projet encore non abouti », estime-t-elle. « Ma représentation du Grand Paris idéal, c’est un territoire reposant sur deux jambes : le développement économique et les solidarités, un territoire plus équilibré. » Elle ose, « le Grand Paris, c’est un peu Paris partout », signifiant l’écart aberrant entre les aménités parisiennes et les territoires alentour, délaissés.
Députée PS durant la précédente mandature, elle affirme « qu’il est difficile de se départir de la vision que donnait Nicolas Sarkozy » du Grand Paris dans « un récit charpenté et une représentation qui parle directement à l’opinion publique ; ces énoncés ont été puissants : l’ouverture maritime jusqu’au Havre, le modèle urbain désirable, celui des courtes distances – métro, logement, travail, services –, celui d’une approche économique par clusters ». Cette native de Normandie connaissait les nécessités de l’axe Seine bien avant de travailler en Île-de-France.
C’est là-bas qu’elle a fait ses premières armes, dans la vie et en politique. Fille du puissant président de Haute-Normandie d’alors, Alain Le Vern, Marie est née dans un berceau politique. Elle s’est très vite engagée. Bien que solidement entourée, elle reste marquée par cette première campagne électorale menée en son nom : « Jeune femme dans le monde rural, j’ai compris qu’il y avait du chemin à parcourir et que l’égalité ne se décrète pas, elle s’impose. J’ai été confrontée aux préjugés, j’ai pris l’infantilisation et la condescendance en plein visage. » Face au sexisme ordinaire, elle dit la nécessité du féminisme, sans complaisance avec celui de salon. Elle qui, toute son enfance, s’est sentie « libre d’être elle-même » n’accepte pas la condition des femmes meurtries dans leur vie, trop souvent enfermées dans le silence.
Il y a une détermination chez cette jeune femme qui conjugue convictions et racines. Son « grand chêne », c’est Laurent Fabius. C’est lui qui l’a convaincue que la politique n’était pas un gros mot : « Il est un homme auprès de qui tout devient simple mais jamais simpliste. » L’ancien Premier ministre l’a encouragée à sans cesse faire preuve de curiosité et à toujours avoir un livre auprès d’elle.
Son actualité, c’est d’objectiver encore davantage ses conseils et ses analyses, un positionnement professionnel d’avenir qu’elle mûrit avec la politologue Chloé Morin qui l’a « convertie à l’analyse de l’opinion, c’est devenu essentiel dans ma vie professionnelle. Nous pouvons parler des heures, échanger sur tout et concrétiser des études et écrits le plus simplement du monde. Jamais écrire en duo n’a été si simple ». Elle finalise en parallèle un MBA Gestion des organisations à Paris-Dauphine et parle de son tuteur, Christophe Moreau, le DG de Red Hat France, avec autant de reconnaissance et d’affection que lorsqu’elle évoque quelques heures de conversation avec le PDG de Transdev, Thierry Mallet, dont elle retient ce conseil : « On ne choisit pas un poste, on choisit d’abord un patron. »
Marie Le Vern a vu trop de ses amis étouffer sous un management sans bienveillance, sans leadership ni vision. Elle revendique sa liberté, ses projets, un foisonnement et une imbrication avec sa vie familiale dans laquelle elle s’épanouit. Elle suit sa route et conclut : « Contrairement au proverbe, je pense que l’on grandit beaucoup mieux à l’ombre d’un grand chêne. »
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