top of page
  • Photo du rédacteurActeurs du Grand Paris

Le Grand Paris, antidote de la crise


La crise économique provoquée par l’épidémie de Covid-19 rend plus nécessaires que jamais les investissements du Grand Paris. Le montant des travaux réalisables à court terme et les bénéfices sociaux-économiques qu’on peut en attendre auront des effets durables.


Par Dominique Malécot, journaliste aux Échos


L’impensable s’est produit le 17 mars. Un à un, les quelque 150 chantiers du métro du Grand Paris se sont arrêtés. La machine bien huilée qui organise et gère heure par heure plus de 14 000 « tâches élémentaires », assurées par près de 7 000 compagnons, pour ouvrir de nouvelles perspectives à des millions de Français, commençait à se gripper. Comme les autres, les entreprises engagées dans la construction du Grand Paris Express devaient absolument prendre de vitesse l’épidémie de Covid-19 et protéger leurs salariés. Les secours n’étaient plus en situation d’intervenir en milieu hyperbare, des chauffeurs manquaient ou les matériaux n’arrivaient pas. Là, les déblais ne partaient plus, les électriciens prévus pour brancher une machine n’avaient pas pu venir ou, encore, les équipes d’entretien n’étaient pas au complet.


Pas question, dans ces conditions, de laisser les chantiers en l’état. En charge de la construction du métro, la Société du Grand Paris a donc dû prendre la seule décision possible : fermer les chantiers tant que les entreprises disposaient encore de suffisamment de personnel sur place pour les mettre en sécurité. Des tâches complexes quand il s’agit de protéger un ouvrage en construction exposé aux intempéries, d’éviter des mouvements de sol ou de mettre en sommeil un tunnelier pour qu’il puisse redémarrer le moment venu.


Surtout, ce travail se devait d’être méthodique, respectueux des usages et des procédures afin de faciliter, autant que possible, la reprise rapide de l’activité… dans des conditions que personne ne pouvait encore imaginer à la mi-mars ! Cela a été finalement le cas à partir du 20 avril, notamment pour adapter l’organisation des chantiers aux normes sanitaires imposées par la persistance de l’épidémie et former les salariés à ce nouveau contexte.


Cet accident de parcours a une vertu. Il démontre, s’il en était encore besoin, que le projet et la réalisation du Grand Paris Express sont déjà très étroitement imbriqués dans l’économie de la région parisienne et celle du pays avec ses milliers de fournisseurs, des majors aux PME/TPE. La Société du Grand Paris évoquait d’ailleurs l’urgence qu’il y avait à reprendre les travaux, notamment pour protéger certaines entreprises fragiles formant « une chaîne complexe » indispensable pour réaliser le réseau.


Déjà nécessaire il y dix ans pour permettre à la locomotive de l’économie française qu’est la région parisienne de rester dans le peloton de tête de l’économie mondiale, le Grand Paris, qui a aussi été voulu en réponse à la crise de 2008-2009, se justifie encore davantage aujourd’hui. N’en déplaise aux Cassandre qui veulent voir dans l’épidémie du Covid-19 une sorte de punition divine infligée à une France qui se serait jetée éperdument dans la mondialisation aux dépens de l’environnement, le plus grand chantier de génie civil d’Europe ne se résume pas à livrer 200 kilomètres de lignes de métro entre 2024 et 2030 pour près de 35 milliards d’euros. Il s’agit, ni plus ni moins, de l’armature de l’aménagement de la région parisienne pour les prochaines décennies dans ses dimensions environnementale et écologique, sociale et économique.


Une urbanisation mondiale croissante


C’est, en effet, un phénomène qui s’observe depuis l’Antiquité. La ville dense limite l’étalement urbain et permet de rationaliser les réseaux de distribution d’eau, d’énergie, de chaleur, de traitement des déchets et de transports de marchandises comme de voyageurs. Selon les calculs de la Société du Grand Paris, le Grand Paris Express devrait permettre d’éviter entre 14 et 28 millions de tonnes de CO2 à l’horizon 2050. La ville facilite aussi l’accès à la formation, l’enseignement et la culture. C’est également un moteur du développement économique tant par la concentration de main-d’œuvre et de consommateurs qu’elle représente que par les échanges qu’elle peut entretenir avec d’autres agglomérations et son environnement immédiat. Aujourd’hui, on mesure cela en nombre de connexions avec les autres villes et en attractivité.


Pour toutes ces raisons, le monde s’urbanise à toute vitesse. En 2007, la moitié de la population mondiale vivait en ville et, selon l’ONU, cette proportion devrait atteindre 68 % en 2050. Nanties de leur expérience, les entreprises qui auront réalisé le Grand Paris Express et les nouveaux quartiers connexes auront devant elles un vaste marché.


Reste que la géographie urbaine et la sociologie nous apprennent également que la ville crée aussi des inégalités et donc des tensions à la mesure de sa puissance. On peut certes les réduire mais rarement les effacer. Le poids de l’Histoire ne s’estompe qu’avec les générations.


Faut-il pour autant tout miser sur la région parisienne ? Certainement pas. Mais négliger sa capacité contributive à l’économie des autres régions serait contreproductif. Elle génère en effet de l’ordre de 30 % du PIB national avec 20 % de la population et en redistribue de 8 à 10 % aux autres régions. Elle est, avec Londres, l’une des rares métropoles européennes capables de mobiliser un capital humain et financier à la mesure des enjeux de la relance économique post-Covid-19. À lui seul, le Grand Paris Express représente de 4 à 5 milliards d’euros de commandes par an déjà en cours et ce rythme sera maintenu au moins jusqu’en 2023.


De plus, cette infrastructure majeure peut générer de 50 à 100 milliards d’euros d’investissements en région parisienne. À eux seuls, les quartiers à construire ou reconstruire autour des 68 gares du réseau représentent une surface équivalente à une fois et demie celle de Paris pour une ville post-Covid-19, dense et équilibrée, respirable et humaine… Dans ce contexte, la Société du Grand Paris a aussi un atout majeur : très bien notée, elle pouvait emprunter au printemps dernier à 1 % et le plafond de ses emprunts a été relevé à 12 milliards d’euros.


115 000 emplois à terme


À plus long terme, selon les études de la Société du Grand Paris validées par Bercy, les avantages socio-économiques générés par le Grand Paris Express sont évalués à près de 82 milliards d’euros, avec un PIB additionnel pour la France compris entre 10 et 20 milliards d’euros par an après la mise en service du réseau. Il devrait aussi avoir « un impact très largement positif sur les finances publiques », matérialisé par « quelques milliards » par an de ressources additionnelles pour le budget de l’État. Enfin, il devrait induire à long terme la création de 115 000 emplois hors les 15 000 postes nécessaires sur quinze ans à la réalisation du chantier.


À lui seul, le Grand Paris ne suffira évidemment pas à effacer la crise. Dans ces conditions, peut-on faire des économies sur le projet pour en réorienter une partie des crédits vers des opérations complémentaires ? C’est techniquement possible, le gouvernement peut fort bien proposer au parlement de modifier la loi sur le Grand Paris qui définit le réseau. Cela risque d’être délicat car il a déjà été considérablement revu à la baisse par les gouvernements précédents au point de réduire pratiquement à néant les réserves de capacité qu’on prévoit normalement pour ce type d’infrastructures. Ainsi, on est déjà en train d’utiliser celles de la ligne 14 du métro parisien, la plus récente du réseau « classique », pour absorber la croissance du trafic !


Surtout, un tel programme d’économies concernerait, en tout ou partie, les lignes 16, 17 et 18 dont les travaux commencent et qui désenclaveront les quartiers les moins bien desservis de la région parisienne. En clair, ce sont les tronçons du réseau dont la rentabilité socio-économique est la plus élevée et doit assurer l’accès à l’emploi des laissés pour compte de la croissance économique de la région parisienne ! La plaie serait d’autant plus vive et profonde que, dans le même temps, les autres territoires bénéficieront, eux, du coup d’accélérateur des autres lignes du Grand Paris Express et l’écart se creuserait, encore.


bottom of page